Premier séminaire Action commune à Torre Pellice

Dans quel cadre s’est déroulé ce séminaire ?

L’assemblée générale 2023 de la Cevaa, qui s’est déroulée en Côte d’Ivoire, a décidé de lancer une nouvelle Action commune sur le thème : « Habiter autrement la création », avec pour texte biblique de base, Genèse 2.15. Les membres de l’assemblée ont décidé que les temps de travail sur le thème se feraient à travers la tenue de cinq séminaires (un par région Cevaa). La rencontre de Torre Pellice, qui a réuni dix-sept personnes de sept Églises de France, d’Italie et de Suisse, lançait la série de séminaires.

Comment s’est déroulé le séminaire ?

Le séminaire a débuté par une petite cérémonie conduite par une délégation de l’Église évangélique vaudoise d’Italie, qui nous accompagnait. À cette occasion, le pasteur Stefano d’Amore nous a proposé une animation biblique à partir d’Exode 3.7-8. Le travail de l’agriculteur est de travailler la terre, l’entretenir. Ce travail ressemble au travail du croyant qui doit entretenir sa foi chaque jour. Après la prière et un chant, le pasteur Stefano a déclaré ouvert le séminaire régional Europe sur l’AC.

Puis cinq intervenants et intervenantes représentant des Églises d’Europe (Jean-Sébastien Inrand, Marie Cenec, Corinne Bitaud, Ulrich Rusen Weinhold et Jeanne Neble) ont animé des temps de travail sur l’animation biblique, l’écothéologie, l’écospiritualité, la Fresque du climat, la justice climatique, le réseau des Églises en Europe et le projet jeunesse de « Relais de témoins ».

Que peut-on retenir de ce séminaire ?

Au terme de ces quatre jours d’échanges et de débats, cinq constats ont été formulés :

1-     Le changement climatique n’est plus une menace lointaine : nous en avons désormais les effets tous les jours sous les yeux. L’ampleur dramatique de cette crise écologique trouve son origine dans l’action de l’humain. En effet, l’action humaine enveloppée de cupidité et d’égoïsme, constitue des tares contraires à l’ordre de la création. Nous sommes souvent saisis par le désir d’avoir et de jouir, plus que par celui d’être, de consommer d’une manière excessive et désordonnée les ressources de la Terre.

2-     Notre époque ne peut pas ignorer la crise écologique, dangereuse pour la survie de l’homme, ni la réduire à une question purement politique : celle-ci possède en effet une dimension morale et spirituelle qui touche tout le monde et notamment la jeunesse, si bien que personne ne peut s’en désintéresser.

3-     Les défis auxquels nous sommes confrontés ne concernent pas seulement les aspects techniques du changement climatique : l’éthique, la culture, la foi et la religion sont des éléments essentiels de notre style de vie qui doivent être pris en compte si nous voulons véritablement nous attaquer efficacement au problème du changement climatique et garantir un développement humain intégral.

4-     La création est un cadeau de Dieu (Ps 104 ; 24, Pr. 16.4). La Terre et tous ses écosystèmes sont un don précieux que nous avons reçu de Dieu. Gn 2.15 nous invite à regarder notre planète comme un jardin commun, le penser comme un monde ouvert et dynamique. Si l’homme, créé à l’image de Dieu, occupe une place éminente dans la création, il n’en est pas pour autant le propriétaire, mais l’usufruitier, le gérant. Jacques Ellul précise, le « lieu-tenant » (celui qui tient le lieu) : « L’homme ne doit pas gérer cette création pour la puissance et la domination, mais en tant que représentant de l’amour de Dieu. »[1]

5-     La crise environnementale actuelle frappe particulièrement les plus pauvres, soit parce qu'ils vivent sur des terres qui sont sujettes à l'érosion ou à la désertification, soit parce qu'ils sont impliqués dans des conflits armés ou contraints à des migrations forcées, ou encore parce qu'ils ne disposent pas des moyens économiques et technologiques suffisants pour se protéger des calamités.

Il faut reconnaître, en matière d’action des Églises, qu’on ne part pas de rien. Il faut s’appuyer sur les éléments et réflexions déjà présents dans les Églises.

Quelles sont les actions envisagées ?

-   Proposer aux églises l’organisation d’une semaine Cevaa de la création, selon la décision de l’AG.

-   Offrir du temps aux jeunes pour accueillir leurs angoisses dans les groupes de jeunes de leur Église.

-   Encourager les paroisses à la prise de conscience avec les différentes compréhensions de la situation. Chercher des possibilités de vivre ensemble, de partager ensemble les expériences qui se vivent dans les différentes Églises de la région Europe.

-   Promouvoir les labels écologiques existants (Le Coq vert, Église verte) afin que les paroisses soient des lieux de matérialisation du changement.

-   Agir concrètement et spirituellement dans le sens de la transition écologique, des écogestes responsables avec une vie de sobriété choisie.

-   Produire un ou plusieurs manuels contenant des outils d’animation théologique pour les Églises de la Communauté. Il faut créer des animations avec les chants, les prières et lancer des activités ludiques et artistiques autour du thème. Comment aborder le thème dans la liturgie, dans la prédication.

-   Avoir des actions de plaidoyer pour plus de justice auprès des pouvoirs publics. Habiter autrement la création, c’est apprendre à habiter, non comme une sentence, mais comme une ouverture, comme un cheminement commun. C’est donner la primauté à la parole, à la justice sociale et à la paix au sein de la société, car la justice climatique va de pair avec le travail pour la paix.

Habiter autrement la création est une question de changement de comportement et d’habitude. Une éducation à la responsabilité écologique est donc nécessaire et urgente : responsabilité envers soi-même, responsabilité envers les autres, responsabilité à l'égard de l'environnement. La véritable éducation à la responsabilité suppose une conversion authentique dans la façon de penser et dans le comportement. Le chrétien devra donc veiller sur lui-même, afin de ne pas se laisser dominer par la jouissance des biens de ce monde ou par les soucis de la vie (Luc 14.16-24 ; Marc 4.19).

[1] Jacques Ellul, cité par Jean-Sébastien Ingrand lors du séminaire.