Méditation pour le Vendredi Saint
Jésus crucifié – image de Dieu ?
Au cœur de la foi chrétienne nous trouvons un mort torturé, et une perspective : la vie est plus forte que la mort ; la résurrection. L’histoire des fêtes chrétiennes a dissocié Vendredi-saint et Pâques, ce qui permet de savourer mieux chaque étape de ce noyau religieux fondamental du christianisme. Epreuve ultime de la violence humaine à l’égard de son prochain, expérience douloureuse d’une fin de vie bien trop tôt, Jésus n’avait que 33 ans. La croix est devenue le symbole des adeptes de Jésus seulement une fois que les milliers de crucifixions le long des routes romaines ont été abandonnés, probablement au 4e siècle.
Voir en la croix du Christ une auto-révélation de Dieu reste un sujet de profonde méditation jamais achevable. La mise à mort par la croix est provoquée par quelqu’un, personne ne peut s’auto-crucifier ; c’est important. Dieu ? Certains le pensent, Il a laissé faire, pour le salut du monde, « en rémission des péchés » proclament les liturgies traditionnelles. Mais est-ce que Dieu aurait-il besoin d’un sacrifice expiatoire pour nous faire grâce ? On peut en douter. Pour d’autres, le fait que « Dieu » soit dans l’abandon et la souffrance absolue les rejoint dans leurs propres souffrances. Il y a là une identification entre la croix du Christ et l’expérience humaine. C’est le passage d’une divinité apathique vers un Dieu souffrant. Mais peut-on identifier Dieu et Jésus-Christ jusqu’à s’imaginer un Dieu crucifié ? Jésus n’est qu’une partie de Dieu, que vivaient alors ce qu’on appelle Dieu père et Dieu-souffle dans cette mort du Dieu-fils ? Peut-être il est possible de rejoindre la méditation qui voit en ce Dieu humilié et épuisé pendu au bois la force d’un Dieu faible. Une gloire divine profondément blessé, un Dieu renversé dans ses prérogatives traditionnelles, un reversement des visions habituelles de Dieu vers ce Dieu biblique surprenant. Dieu s’auto-déconstruit pour ouvrir un possible inimaginable, l’impossible divinité révélée dans l’extrême fragilité et mortalité humaine. Aujourd’hui n’est-ce pas le règne naturel qui est crucifié par l’agir humain, la bonne création est exterminée par la cupidité ivresque de certains humains.
« La parole de la croix est folie pour ceux qui vont à leur perte, mais pour nous qui sommes sur la voie du salut, elle est puissance de Dieu. » (1 Corinthiens 1,18)
Tant que le monde existe, la croix et celui qui y est pendu, restent un sujet de contemplation.
Martin Burkhard