Théologie et écologie : un colloque international à l'Institut œcuménique de Bossey
Croix peinte d'Amérique centrale figurant l'Arche de Noé © Marc-Frédéric Muller
Depuis le début des années 80, la prise de conscience dans les milieux chrétiens de la nécessité de la sauvegarde de la création va de pair avec le développement du mouvement œcuménique. Le COE (Conseil œcuménique des Églises) joue à cet égard un rôle moteur. Les turbulences du XXème siècle ont poussé à un renouveau de la réflexion théologique pour répondre aux problèmes du monde, incitant le COE à se faire le relais de nombreuses préoccupations éthiques mettant notamment en lien les problématiques de justice et de paix avec celles d'environnement et d'écologie. Il est frappant de constater qu'une des premières déclarations communes entre catholiques et orthodoxes depuis le schisme de 1054 a été consacrée aux questions de responsabilité de l'être humain face à la crise écologique : il s'agissait de la déclaration de Venise «pour le bien de tous les êtres humains et pour la protection de la création», signée en juin 2002 par le pape Jean-Paul II et le patriarche œcuménique Bartholomée Ier de Constantinople.
Pour aller plus loin : |
Le programme «Justice, Paix et Sauvegarde de la Création» du COE date de 1983. Depuis, les rassemblements œcuméniques internationaux et les déclarations communes se sont multipliés : recommandation aux Églises d'instituer une fête pour la création lors du deuxième rassemblement œcuménique de Graz (Autriche) en 1997 ; en 2001, signature à Strasbourg (France) par le Conseil des Églises Européennes (KEK) et le Conseil des Conférences Épiscopales Européennes (CCEE) d'une Charte œcuménique dans laquelle figurent en bonne place les préoccupations liées à la sauvegarde de la création ; mise en place dans les années 2000 de labels écologiques pour les paroisses, comme le label Église verte en France... Les temps de prière pour la création sont devenus des rendez-vous réguliers.
«La formation théologique peut jouer un rôle décisif»
Le révérend docteur Patrice Nsouami © DR |
La prise de conscience des dégâts causés par les activités humaines sur l'environnement a été plus précoce au sein des opinions publiques occidentales, aidée en cela par des textes au fort retentissement comme le livre Silent spring, de Rachel Carson, en 1962 - alors que, parallèlement, la presse commençait à évoquer les effets catastrophiques de pesticides comme le DDT (Dichloro-Diphényl-Trichloréthane), dont l'usage a depuis été banni par de nombreux pays en raison de sa toxicité. Mais aujourd'hui, les efforts en vue d'une relecture des textes bibliques pour mettre en avant la responsabilité de l'être humain vis-à-vis de la création concernent des théologiens du monde entier.
Le colloque international placé sous le thème «Réforme verte: écologie, religion, formation et avenir du mouvement œcuménique» organisé à la mi-mai 2019 par le département Formation théologique œcuménique du Conseil œcuménique des Églises, en collaboration avec l'Œuvre missionnaire évangélique en Allemagne, réunissait ainsi des théologiens et représentants de diverses traditions ecclésiales et religieuses de six régions du monde. Il a eu lieu à l'Institut œcuménique de Bossey, près de Genève (Suisse), qui offre des cours universitaires, des séminaires et des conférences avec pour but de promouvoir la pensée œcuménique et de former des responsables tant laïcs qu'ecclésiaux. «Une réforme verte constitue peut-être la mission la plus urgente du mouvement œcuménique aujourd'hui», a souligné Amélé Ekué, professeure d'éthique œcuménique à Bossey et responsable du programme du COE pour la formation théologique œcuménique. «La formation théologique peut jouer un rôle décisif à cet égard en modelant un nouveau discours et en semant les graines de l'avenir : des êtres humains qui ne domineront pas la terre, mais qui garderont la création de Dieu.»
C'est dans ce cadre qu'a été invité à intervenir le révérend docteur Patrice Nsouami, qui a présidé plusieurs années l'Église Évangélique du Congo et a été vice-président de la Communauté d'Églises en mission ; actuellement envoyé de la Cevaa au Cameroun, il est enseignant d'éthique à la Faculté de théologie protestante et des Sciences religieuses de l'UPAC (Université Protestante d'Afrique Centrale) à Yaoundé. Sa thèse de doctorat soutenue en avril 2004 (et publiée en 2008 par les éditions ICES - Institut Congolais des Études et des Statistiques) portait précisément sur le thème de La sauvegarde de la création : défi du Conseil œcuménique des Églises et jalons pour une catéchèse écologique de l'Église Évangélique du Congo. Lors de ce colloque, il a présenté une partie de ses travaux portant sur «la définition écologique du "prochain" : une contribution à la sauvegarde de la création». Une réflexion qui l'amène à cerner des «prérequis de la sauvegarde de la création» dont la mise en œuvre permettra de gérer «l'incontournable paradoxe de la nécessité absolue de "consommer" dans le processus du développement et celui de la nécessité tout autant impérieuse de "protéger" la vie. Toute la vie humaine, mieux, la vie tout court se tient et se soutient grâce à la gestion de ce paradoxe.»