Retour d'Arusha : une soirée-débat avec Nicolas Monnier
Chants lors du service d'envoi à l'issue de la Conférence d'Arusha, le 13 mars 2018. Photo: © Albin Hillert/COE |
La conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation, organisée à Arusha en Tanzanie sous les auspices du Conseil œcuménique des Églises, a rassemblé du 8 au 13 mars plus de mille représentants d’Églises et d’organisations missionnaires venus de la terre entière.
Cette rencontre a notamment permis de rendre compte de la vitalité extraordinaire du christianisme africain. Selon les dernières statistiques, on évalue à 565 millions le nombre de chrétiens en Afrique sub-saharienne, soit près du quart de la population chrétienne au niveau mondial.
Ce simple constat nous rappelle avec force que le centre de gravité du christianisme se situe aujourd’hui en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Il ne faut pas se le cacher, certaines Églises - notamment en Afrique - voient l’Europe comme une nouvelle terre de mission. Du coup, et comme l’indique l’échange qui suit, le regard que peut porter un frère ou une sœur originaire d’un de ces continents peut être sans concession.
«Nous avons l’impression que les Églises sont mortes en Europe!»
Ainsi, dans un atelier intitulé «Vivre en disciple dans un contexte sécularisé. Défis et Bénédictions», une participante originaire des Philippines lance sans prendre aucune pincette : «Nous avons l’impression que les Églises sont mortes en Europe!» Un bref silence s’installe, on ravale sa salive, une personne reprend: «Vieilles certes, blessées peut-être aussi, mais mortes non!» Par la suite, les uns et les autres de Hongrie, de Finlande, de Suède et de Suisse prennent la parole afin de nuancer cette affirmation.
Aussi radicale soit-elle, cette perception venant de nos frères et sœurs originaires d’autres contextes que l’Occident existe, et nous devons en prendre acte. J’ai certes reçu ce regard sans concession comme une claque mais en y réfléchissant, je me dis qu’il est aussi une chance: il fonctionne comme une invitation à revisiter les fondements de notre foi et de notre engagement. Ainsi, dans ce qui s’apparente pour certains à une traversée du désert des Églises de la vieille Europe, il n’en demeure pas moins que de nombreuses initiatives sont actuellement prises, lesquelles annoncent comme un vent de renouveau. Elles constituent sûrement les signes avant-coureurs d’une renaissance dans l’annonce de l’Évangile.
L’exemple des Pays-Bas
Une des initiatives qui m’a particulièrement intéressé et encouragé est celle conduite au sein de l’Église protestante dans les Pays-Bas. En deux mots, cette Église a été créée en 2004, suite à la réunion de trois Églises protestantes néerlandaises: l'Église réformée néerlandaise, l'Église réformée dans les Pays-Bas et l'Église évangélique luthérienne du Royaume des Pays-Bas. Elle regroupe désormais quelque 2,3 millions de fidèles.
Session plénière de la Conférence d'Arusha du matin du 13 mars 2018 : «Épouser la croix en disciples équipés». Photo: © Albin Hillert/COE |
Partant du constat que l’Église vivait une forme de déclin et que les différents programmes n’étaient plus pertinents, une consultation approfondie auprès des paroisses a été conduite. Entre toutes les réponses, il est ressorti très fortement deux points communs. Premièrement comme une question: «Même si nous sommes engagés de longue date, est-ce que nous savons vraiment qui est Jésus le Christ?». Deuxièmement, une prise de conscience s’est fait jour que le lien entre le dimanche et la semaine était très difficile à articuler; que les enseignements entendus lors du culte trouvaient difficilement un terrain fertile dans le quotidien.
Sur la base de ces deux axes, un nouveau programme a été mis sur pied qui tente justement d’équiper au mieux les disciples d’aujourd’hui que nous sommes toutes et tous: d’une part par l’étude, le partage et la prière afin d’être transformés par l’esprit de Jésus-Christ et d’autre part par la répercussion dans la vie quotidienne des fruits de cette transformation. Et si cette consultation était conduite dans nos paroisses en Suisse, arriverions-nous aux mêmes conclusions?
Une des vertus de telles rencontres internationales est d’être confronté aux multiples regards des autres. De ces regards, en filigrane, surgit toujours à nouveau cette question de Jésus : «Et vous, leur demanda-t-il, qui dites-vous que je suis?» (Mc 8,29)
En répondant à cette question, individus et communautés découvriront comment être aujourd’hui au service d’une Église qui se comprend tout autant comme transformée par une Parole de Vie que généreuse et inventive dans l’annonce et le partage de cette même Parole.
Nicolas Monnier
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