Nouvelle-Calédonie : «Notre présence était un signe de l'Église universelle»
La délégation d’Ardèche-Méridionale de l’EPUdF au siège de l'EPKNC © EPKNC |
Comment a été organisé ce voyage en Nouvelle-Calédonie ?
David Facchin : Ce voyage concernait une délégation issue de deux paroisses (Aubenas Vals et Vallon Pont d'Arc) de l'ensemble Ardèche-Méridionale de l'EPUdF, dont je suis pasteur. Il faisait suite à une visite d'étudiants du centre de formation théologique Béthanie de l'EPKNC, qui avaient séjourné chez nous en Ardèche un an et demie plus tôt. Au niveau de notre Église, ceux qui les avaient accueillis avaient été enthousiasmés par la dynamique qu'apportaient ces visiteurs, leurs chants, leurs contes... D'où l'idée, qui est venue très vite, de ce voyage retour. J'avais été envoyé de la Cevaa pendant plusieurs années à Béthanie et je savais que les liens noués alors étaient encore assez forts pour que nous puissions bénéficier d'un très bon accueil. Nous avons lancé les dossiers de demande d'aide auprès du Défap et de la Cevaa et nous nous sommes demandé : quel devrait être le thème de ce voyage retour ? Celui de la délégation Kanak qui nous avait rendu visite était : «Sur les pas des Huguenots». Nous avons pensé à l'échéance du 4 novembre et au référendum d'autodétermination au cours duquel les Calédoniens devront se prononcer sur l'avenir de l'île ; et nous avons opté dans un premier temps pour le thème de la fraternité. Puis nous avons vu le choix fait par la Commission Théologique de l'EPKNC (la COMITH) à partir du verset 19 d'Éphésiens 2 : «Concitoyens d'un pays nouveau», et nous avons décidé de nous caler dessus.
Comment avez-vous été accueillis, et quel a été le moment fort de votre visite ?
Pour aller plus loin : |
David Facchin : Nous avons commencé par cinq jours à Nouméa, où nous sommes allés à la paroisse du Vieux Temple. C'est un lieu qui peut accueillir beaucoup de monde et c'est souvent là que transitent les envoyés arrivant en Nouvelle-Calédonie. Elle connaît un contexte particulier, étant en conflit avec l'Église ; et nous avons essayé d'apporter, à notre humble mesure, une petite contribution pour que chacun fasse un pas vers l'autre. Puis, après la visite classique de Nouméa (le centre culturel Jean-Marie Tjibaou, le musée de la Nouvelle-Calédonie), nous nous sommes rendus sur l'île de Lifou et au centre Béthanie, dont l'actuelle directrice, Marie-Claire Kaemo, faisait partie de mes collègues lorsque j'y enseignais l'Ancien Testament. Nous avons assisté à la fête de la Pâques dans la paroisse de Thuahaik : c'est un gros événement qui rassemble plus de 2000 personnes. Et c'était un moment fort pour les paroissiens qui m'accompagnaient, qui ont été marqués par les témoignages, les chants, les prédications...
Avez-vous vu d'autres aspects de la Nouvelle-Calédonie ?
David Facchin : Après deux autres jours à Nouméa, nous nous sommes rendus sur la côte ouest. Mon idée était précisément d'essayer de donner aux membres de notre groupe une vision d'ensemble de la Nouvelle-Calédonie ; et qu'au-delà du dépaysement et de l'aspect «carte postale» de tout voyage, ils puissent rencontrer les divers groupes qui constituent la population de Nouvelle-Calédonie. Nous nous sommes rendus à Bourail : c'est un fief des Caldoches (les Européens installés en Nouvelle-Calédonie, par opposition aux Kanaks, les natifs de l'île), et au plus fort des «événements» dans les années 80, il y a eu des morts à cet endroit. Nous avons pu être hébergés sur place pendant une petite semaine et les habitants nous ont fait découvrir leur vie, leur réalité ; et les membres de notre groupe ont pu mesurer à quel point, sur des thématiques comme l'indépendance ou l'autonomie de la Nouvelle-Calédonie, comme le rapport à l'Église ou à la coutume, leur point de vue diffère de celui des Kanaks qu'ils avaient rencontrés quelques jours plus tôt. Puis nous nous sommes déplacés vers l'intérieur de l'île et nos hôtes Caldoches ont accepté de nous accompagner à un culte dans une tribu Kanak. Nous avons pu ainsi jouer un peu le rôle de passerelle, et permettre à des gens qui ne se connaissaient absolument pas, bien que vivant à quelques kilomètres les uns des autres, de se rencontrer.
Scène de retrouvailles pendant le voyage de la délégation en Nouvelle-Calédonie © EPKNC |
Que retenez-vous de cette visite, et qu'en ont retenu les membres de votre groupe ?
David Facchin : La délégation a découvert la réalité de la coutume : les gestes qui doivent nécessairement introduire les rencontres, ou les clôturer... Et nous avons tous vécu des moments spirituellement très forts d'échange, de partage... Pour ma part, j'ai pu constater à quel point ceux qui nous ont accueillis étaient à la fois bienveillants et attentifs vis-à-vis de tout ce que nous pouvions leur dire concernant la situation de la Nouvelle-Calédonie. Tous nous ont dit à quel point il était important pour eux de ne pas se sentir seuls, mais au contraire de se sentir soutenus et accompagnés dans ce cheminement vers le référendum de novembre 2018. Notre présence était pour eux un réconfort et un signe de l'Église universelle. La Nouvelle-Calédonie est un patchwork de peuples et d'ethnies, il y a tout un travail à faire pour aider à la cohabitation, et plus, à la fraternité. Chaque fois que nous intervenions, nous sommes toujours restés sur le thème de la COMITH, «Concitoyens d'un pays nouveau» ; ces interventions ont toujours été bien reçues et ceux qui nous accueillaient ont vraiment perçu que nous étions là comme des compagnons cheminant à leurs côtés, qui sauront respecter leur choix.
Propos recueillis par Franck Lefebvre-Billiez