Mieux gérer, pour mieux soigner
Photo du séminaire de Douala (DR) |
Le sujet avait beau être technique, il n'en avait pas moins des implications hautement pratiques. Le séminaire qui vient de s'achever à Douala, au Cameroun, réunissait tous les gestionnaires d'hôpitaux participant au Projet Solidarité-Santé de la Cevaa - à l'exception du représentant du Lesotho, empêché de participer. Il s'est déroulé du 21 au 23 septembre 2017. Y participaient également Anne-Sophie Macor, secrétaire exécutive du pôle Projets-Echange de personnes,et le docteur Mathilde Guidimti-Andet, chargée de mission de la Cevaa et personne ressource pour le suivi du projet. Le but en était principalement la présentation de logiciels de gestion. Avec des enjeux non seulement financiers, mais intéressant aussi directement le fonctionnement quotidien des hôpitaux - et partant de là, la santé des patients.
Le paiement des soins est en effet l'un des gros défis des systèmes de santé de nombreux pays africains. Bien souvent, les patients doivent payer la totalité des coûts sans qu’aucun système d’assurance ne rembourse leurs frais. La gratuité des soins pour les malades a laissé la place à un système reposant sur le paiement direct des prestations par le patient. Avec des résultats catastrophiques aussi bien pour la santé publique que pour le financement des hôpitaux. D'où un revirement au cours des années 2000 avec l'instauration par divers gouvernements de quelques prestations de soins gratuits. Ainsi dans de nombreux Etats actuellement, les césariennes sont gratuites pour les parturientes.
Comment évaluer le juste coût des soins ?
Un établissement participant au projet : la polyclinique le Bon Samaritain au Bénin. Ici, son directeur, le Rev. Pasteur Albert Onibon, lors d’une visite de chantier (DR) |
Mais s'ils redeviennent gratuits pour les patients, les soins n'en ont pas moins un coût pour les hôpitaux, qui utilisent leur matériel et fournissent le personnel compétent. L'offre de soins publique étant souvent insuffisante, voire inexistante dans certaines régions, se pose la question du financement des établissements privés. Dans les accords mis en place entre les autorités et les hôpitaux, tout l'enjeu est donc de savoir quel est le "juste coût" de tel ou tel acte médical : combien coûte vraiment à l'hôpital un accouchement ? Combien coûte une césarienne ? Un enjeu très actuel au Ghana, l'un des premiers pays africains à avoir instauré un système universel d'assurance maladie, et qui a lancé un programme de partenariat public-privé pour permettre à des établissements privés de fournir des soins de santé dans des régions mal pourvues en termes d'infrastructures médicales. Or il peut arriver que, faute de moyens de gestion financière suffisamment efficaces, des hôpitaux évaluent mal ce "juste coût". Et que les actes médicaux soient insuffisamment subventionnés, limitant ainsi les ressources d'établissements déjà financièrement fragiles. Au bout du compte, les conséquences en retombent donc toujours sur les patients...
D'où l'importance de ce choix des logiciels de gestion. Au cours du séminaire de Douala ont été présentées deux solutions : CORE, une plate-forme intégrant les coûts, calculant les bénéfices, facilitant la gestion des stocks et des commandes, développée par une entreprise américaine et qui fait figure de référence pour la gestion des petites et moyennes entreprises ; et un logiciel développé à partir d'une solution open-source, Care2X, par et pour les hôpitaux de l'Eglise Evangelique Luthérienne du Cameroun (EELC) par un ingénieur informaticien local. Ce dernier proposait de mettre à la disposition des établissements qui le voudraient, une version de ce logiciel adaptée à leur structure. Une proposition qui aurait l'avantage d'offrir plus de personnalisation et de suivi...
Visite aux hôpitaux et à l'UPAC
Un établissement participant au projet : l’hôpital de Ndoungué, au Cameroun. Ici, son médecin-chef, le docteur Henang (DR) |
Ce choix d'un outil de gestion représente aussi une étape importante pour l'ensemble du Projet Solidarité-Santé, qui vise à mettre en réseau une dizaine d'hôpitaux gérés par des Eglises dans huit pays (Cameroun, Côte d'Ivoire, Togo, Ghana, Bénin, Zambie, Lesotho, Rwanda), à favoriser les échanges d'expériences et de compétences et à créer une certification de qualité « Label Cevaa » qui puisse devenir une référence. Avec un triple but : améliorer les soins et la prise en charge des patients, le « care », favoriser les échanges entre Eglises membres de la Cevaa, et renforcer leur témoignage dans leurs pays respectifs à travers la diaconie sociale.
Outre la participation à ce séminaire, la visite au Cameroun d'Anne-Sophie Macor lui a permis de se rendre dans deux des hôpitaux participant au Projet Solidarité-Santé. Elle est également allée à l'Université Protestante d'Afrique Centrale (UPAC), à Yaoundé, où un envoyé de la Cevaa, le pasteur Patrice Nsouami, ancien président de l'Eglise Evangélique du Congo, a été recruté comme enseignant d’éthique ; la visite à l’UPAC a aussi permis de voir l'état d'achèvement des travaux de réhabilitation du foyer des étudiants Ngally.