Jubilé de la FJKM : retour sur des célébrations historiques
Jubilé de la FJKM : une partie de l'assistance vue depuis le podium.
Les diacres se posent pour la prière de bénédiction de la collecte © Hubert van Beek pour Cevaa
Du 17 au 19 août 2018 se sont déroulées à Toamasina (Tamatave), sur la côte est de Madagascar, les festivités du cinquantenaire de l’Église de Jésus-Christ à Madagascar, connue sous l’acronyme FJKM ou Fiangonan’i Jesoa Kristy eto Madagasikara. La FJKM est une Église unie, de tradition réformée, constituée en 1968 par trois Églises protestantes du nord de la grande île: l’Église évangélique issue de l’œuvre de la Société des Missions Évangéliques de Paris (la SMEP), l’Église du Christ née de l’action de la Mission de Londres, et l’Église des Amis (quakers) dont l’origine remonte à la coopération de la Société des Amis avec la Mission de Londres dans le domaine social. La célébration de ces cinquante ans d’unité coïncidait avec la commémoration d’un autre événement fondateur, les 200 ans de l’arrivée de l’Évangile à Madagascar et donc de l’évangélisation du pays. C’était en effet le 18 août 1818 que les premiers missionnaires protestants, les Gallois David Jones et Thomas Bevan, envoyés par la Mission de Londres, posaient le pied à Madagascar, justement sur le rivage de Toamasina. Ainsi, non seulement le moment mais aussi le lieu des cérémonies étaient chargés d’histoire et de symbolique, d’autant plus que le Synode durant lequel l’Église unie fut fondée et proclamée en août 1968 eut lieu à ce même endroit.
La FJKM compte aujourd’hui plus de cinq million de membres. Rien d’étonnant donc si une foule de 20.000 à 25.000 fidèles, venus de tous les coins de l’île, s’était rassemblée pour vivre ce double jubilé historique. Ce fut une fête à la fois solennelle et joyeuse, haute en couleurs, ponctuée de musique et de chants, sous des tentes et en plein air, dans l’immense cour du lycée FJKM David Jones au centre de la ville. Elle eut son apogée le samedi 18 août lors d’une célébration de quatre heures et demie, en présence du président de la République et des représentants d’Églises-sœurs du pays et d’outremer. Parmi les hôtes il y avait quelques descendants de la famille de David Jones, membres de l’Union des Églises indépendantes du Pays de Galles, la mouvance dont firent partie les paroisses congrégationalistes de ces premiers missionnaires. Au cours de la cérémonie le mémorial du jubilé fut inauguré, un bâtiment scolaire flambant neuf, entièrement financé par les dons des fidèles. Une plaque en gallois et malgache commémore l’événement. Le tout culmina par un repas en commun - qui fit penser au récit biblique, le riz remplaçant les pains.
Une «beach mission moderne» sur la plage de Toamasina
Pour aller plus loin : |
À Madagascar la politique n’est jamais loin des manifestations publiques, fussent-elles ecclésiastiques. Les joutes oratoires du président du Comité du jubilé Marc Ravalomanana, ancien président de la République, ancien vice-président et mécène de la FJKM et l’allocution du président actuel Hery Rajaonarimampianina, lui aussi membre fervent de la FJKM, furent saluées de rires et applaudissements. Personne dans l’assistance n’était dupe qu’ils visaient au-delà de la circonstance l’horizon des élections présidentielles du 7 novembre prochain.
Le lendemain de ce jour mémorable, la même foule se retrouva au même endroit pour un grand culte de clôture avec Sainte Cène. La ferveur de l’assemblée pendant ces trois jours, l’attention avec laquelle liturgie, prédication et discours étaient suivis, le calme en attendant son tour pour recevoir le pain et le vin, le chant des cantiques à quatre voix étaient impressionnants. Les plus chanceux avaient le confort d’un fauteuil en plastique ou d’un banc, protégés du soleil par les toiles couvrant la partie centrale de la cour. Mais le plus grand nombre, dont beaucoup d’enfants, était assis à même le sol sableux durant des heures, sur des nattes, à la façon malgache. Les fabricants de petits tabourets vite faits n’avaient pas mis longtemps pour comprendre le potentiel du désagrément de cette manière de rester assis pour leur commerce. Ils ont fait de bonnes affaires! De même que les meneurs de cyclopousse et les vendeurs de rue, pour qui les besoins de cette foule de visiteurs de se déplacer et de se restaurer étaient une aubaine. Au milieu de cette marée les éclaireurs et les éclaireuses – le mouvement de jeunesse le plus important au sein de la FJKM – s’appliquaient à faire respecter les consignes des organisateurs.
Un des moments forts de ces jours fut le cortège, l’après-midi du vendredi 17 août, depuis la place David Jones jusq’au lieu où débarquèrent les deux pionniers de la Mission de Londres. Le nom de cet endroit en malgache est «pont de sable». C’est littéralement sur le sable où ceux-ci écrivaient leurs leçons d’alphabet que commença l’évangélisation de Madagascar. En écho à cette toute première annonce de l’Évangile, une beach mission moderne se déroula ensuite sur la plage de Toamasina, dans un tourbillon de chants, de musique et de messages.
Un défi pour la FJKM : le nombre de pasteurs
Le président actuel de la FJKM, le pasteur Andriamahazosoa Irako Mammi a fait de l’évangélisation la priorité numéro un de l’Église, sous le joli mot d’ordre «Aspergez l’Île de Madagascar avec l’Évangile». Le nombre d’adhérents de la FJKM a plus que quintuplé depuis sa fondation, allant de pair avec la croissance de la population et la dépassant légèrement. Cependant, près de la moitié de la population reste en dehors du champ des Églises, comme c’était le cas il y a cinquante ans. Un défi majeur pour la FJKM est le nombre de pasteurs, environ 1300 pour plus de 6000 communautés locales. C’est davantage un problème économique que de vocations: les petites Églises en brousse sont trop pauvres pour assurer le traitement d’un pasteur, aussi modeste soit-il. Cela reflète la pauvreté dramatique de ce pays et de la grande majorité du peuple malgache, qui ne cesse de s’empirer.
Pour un observateur qui a eu le privilège de vivre de très près les premières années de la FJKM, il était réjouissant de constater combien l’unité est désormais acquise. Les sensibilités du début, presbytériennes pour les uns, congrégationalistes pour d’autres, appartiennent définitivement au passé. Les particularités de la minorité quaker ont leur place, sans menacer la cohésion. Ancien envoyé de la SMEP, ancêtre commun de la Cevaa et du Défap, il ne pouvait que regretter que les Églises protestantes de France fussent absentes de ce grand moment dans la vie de la FJKM à laquelle elles sont tant liées.
Pasteur Hubert van Beek,
secrétaire émérite du Forum chrétien mondial, ancien envoyé de la SMEP à Madagascar
Le Président de la République au microphone.
Derrière lui, le président de la FJKM (quatrième à partir de la gauche)
et l'ancien président Ravalomanana (septième à partir de la gauche) © Hubert van Beek pour Cevaa
La foule quitte la cour David Jones après le culte du dimanche 19 août,
beaucoup portant leur petit tabouret © Hubert van Beek pour Cevaa