Familles, Évangile et Cultures : la réflexion s'étend aux instituts de formation
Le campus de l'UPAC à Yaoundé © DR
En parallèle aux mutations qui travaillent les sociétés dans de nombreux pays, la famille connaît depuis quelques décennies des évolutions profondes. Elle est le lieu où viennent se cristalliser tous les changements sociaux, tous les conflits culturels... Dès lors, quel regard porter aujourd'hui sur la famille au sein des Églises ? De quelle manière envisager les transformations que connaissent les modèles familiaux eux-mêmes, qui poussent désormais à mettre le mot «famille» au pluriel ? Qu’en dire, aussi, sur le plan théologique ? Ce sont les constats de ces mouvements affectant en profondeur la manière dont la famille est vécue et perçue dans le monde, quels que soient les pays et les sociétés, qui ont poussé, en 2014, l'Assemblée Générale de Saly (Sénégal) à adopter la thématique de la nouvelle Action Commune de la Cevaa, «Familles, Évangile et Cultures dans un monde en mutation». Décidant ainsi d'organiser une série de séminaires dans chacune des cinq régions de la Communauté : Afrique centrale, Afrique occidentale et du Nord, Afrique australe / Océan Indien, Pacifique / Amérique latine, Europe.
Le Séminaire/Colloque qui s'est tenu à Yaoundé (Cameroun) du 9 au 14 septembre 2019 s'inscrivait dans cette dynamique. À ceci près qu'il s’adressait, cette fois, non pas aux Églises membres de la Cevaa, mais aux instituts de formation. Il a eu lieu dans les locaux de l'UPAC (Université Protestante d'Afrique Centrale), et ses participants étaient à la fois des étudiants et des enseignants de diverses institutions. Étaient ainsi représentés trois grands centres de formation camerounais : l'UPAC elle-même, mais aussi la Faculté de Théologie Protestante et des Sciences des Religions de Ndoungué, et l'Institut Baptiste de Formation Théologique de Ndiki (IBFTN), qui relève de l'Union des Églises Baptistes du Cameroun (UEBC). L'Université Protestante d'Afrique de l'Ouest (UPAO), installée à Porto-Novo, représentait le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire ; le Rwanda était représenté par le PIASS (Protestant Institute of Art and Social Science), la Côte d’Ivoire par l'ISTHA (l'Institut Supérieur de Théologie d'Abadjin Doumé), centre de formation de l'Église Méthodiste Unie Côte d’Ivoire (EMUCI). La Faculté de Théologie Protestante de Brazzaville (FTPB) représentait la République du Congo, la Faculté de Théologie Ambatonakanga représentait Madagascar... Un invité participait également aux débats pour les Éditions CLE de Yaoundé. Ce sont en tout 25 participants qui ont pris part à ce séminaire, en présence du Secrétaire Général de la Cevaa, le pasteur Célestin Gb Kiki, et du Secrétaire Exécutif responsable du pôle Animation, le pasteur Samuel Désiré Johnson.
Des réflexions aux propositions
Les problématiques en lien avec la famille touchent en effet de près à tout ce qui a trait à la transmission - d'où des questions liées à l'éducation, aux relations interreligieuses et interculturelles, qui concernent non seulement les Églises elles-mêmes, mais peuvent intéresser au premier chef les centres de formation théologique. Ce que détaillait l'argumentaire de présentation du séminaire, en mettant les trois termes «famille», «Évangile» et «Culture», en regard de l'expression «monde en mutation». Au niveau de la famille, «on constate en effet de nos jours (...) une redéfinition du lien conjugal qui conduit à un pourcentage important de divorces» ; en ce qui concerne l'Évangile, «on constate aussi que les chrétiens vivent une cohabitation religieuse et/ou culturelle (plus ou moins heureuse), à travers des mariages avec des personnes d'autres religions ou cultures» ; et pour ce qui est de la culture, «nous vivons(...) aujourd'hui dans un monde de plus en plus complexe et paradoxal», entre l'accélération d'échanges «qui font de notre planète un village planétaire» et des «identités particulières» qui par réaction «s'affirment chaque jour un peu plus et érigent des barrières parfois infranchissables». Dès lors, comment faire face aux «conséquences humaines et matérielles» d'une plus grande fragilité des liens conjugaux, quelle théologie et quelles formes d'accompagnement développer ? Comment parler de Dieu, notamment aux enfants, dans les familles qui vivent au quotidien des relations interreligieuses - et comment faire face aux marques de rejet et à l'intolérance ? Comment éviter les conflits lorsque se combinent diverses cultures non seulement dans la société, mais aussi dans l'Église et au sein même de la famille ?
«Au regard de tout ce qui précède, soulignait l'argumentaire du séminaire, les centres de formation théologique sont en droit de s'en préoccuper. Il est question de déterminer, si ces phénomènes/situations sont des problèmes en soi, ou alors s'ils peuvent devenir des opportunités pour l'éclosion ou l'avènement d'un vivre ensemble dans le respect des convictions et identités des uns et des autres. Il s'agit en fin de compte de développer une posture, une attitude d'échange, d'accueil et de dialogue.» Tout au long des six jours qu'a duré cette rencontre, les interventions ont donné lieu à des discussions entre les participants. Elles se répartissaient en quatre axes : formation à la vie familiale et conjugale ; éducation des enfants et des jeunes dans la famille et dans l'Église ; formation à l'interreligieux et/ou à l'interculturel et relations intergénérationnelles ; un dernier point concernant les débats suscités par les questions sociétales ou éthiques relatives à la famille. Avec l'idée, à chaque fois, de déboucher sur des propositions concrètes : former des animateurs capables d'accompagner les familles dans l'Église ; former les jeunes et leur permettre de s'exprimer librement au sein de l'Église ; créer des espaces d'échanges et de rencontres entre les différentes religions et cultures ; initier une réflexion théologique et proposer des pistes par rapport aux questions sociétales ou éthiques...
Les actes de ce Séminaire/Colloque feront l’objet d’une publication.