Retour sur le séminaire AEBA pour la région Pacifique
Une vue du séminaire AEBA pour la région Pacifique © Cevaa
En un peu plus d'une vingtaine d'années, les séminaires AEBA ont connu des évolutions. Il a fallu, au fil du temps, s'adapter aux divers contextes. Le premier, en 1996, concernait les femmes d'une seule Église de la Cevaa : il avait été organisé pour les membres du Département de l'Union des Femmes Chrétiennes (DUFC) de l'Église Évangélique du Cameroun (EEC). Puis, à partir de l'année 2000, cette formation s'est élargie aux femmes membres d'autres Églises protestantes du Cameroun. Après le Cameroun, la formation s'est déportée au Congo Brazzaville (à partir de 2009) et plus tard au Rwanda (à partir de 2012). Les dames de l'Église Évangélique du Congo et de l'Église Presbytérienne au Rwanda en ont bénéficié. La formation s'est encore étendue, répondant à une demande croissante, pour permettre la participation d'Églises de plusieurs pays d'une même région. Chronologiquement, les Églises des Régions Afrique de l'Ouest et du Nord (à partir de 2013) et celles de l'Afrique australe et Océan indien (à partir de 2016) en ont bénéficié.
Pourquoi ce succès, et pourquoi ces adaptations régulières de la formation ?
En premier lieu, parce que les besoins sont grands : voilà des années que la Cevaa s'est rendue compte de l'urgence de rendre aux femmes une parole et une place dans les Églises. Et surtout, de la nécessité de revenir aux textes bibliques pour les lire sans le filtre d'une tradition qui peut facilement les confiner dans des fonctions subalternes. Car bien des femmes, tout en étant engagées au sein de leurs Églises, peinent à accéder à des fonctions de responsabilité. D'où ces séminaires AEBA (pour Animation d'Études Bibliques Appliquées), qui ont pour but de former les femmes des Églises de la Cevaa au leadership.
En second lieu, parce que les différences géographiques nécessitent de la souplesse. Ainsi, la plupart des séminaires organisés jusqu'à cette année 2019 se sont déroulés en trois sessions de deux semaines, souvent en deux langues (français et anglais, les deux langues officielles de la Cevaa), à l'issue desquelles les participantes recevaient un diplôme de Formatrices en AEBA. Mais la région Pacifique, où s'est déroulé du 9 au 23 juin 2019 la dernière formation, est la plus étendue des régions de la Cevaa : entre la Nouvelle-Calédonie et Tahiti, entre Lifou et Papeete, il y a plus de 4500 km... D'où la difficulté de rassembler les participantes, issues à la fois de l'EPMa (Église Protestante Mao'hi) et de l'EPKNC (Église protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie) pour une série de trois sessions. Voilà pourquoi ce séminaire AEBA, qui s'est déroulé à Papeete et réunissait un peu plus d'une quarantaine de participantes, s'est tenu sous la forme d'une session unique de deux semaines, à l'issue de laquelle les participantes se sont vues délivrer une attestation de participation. Il faut signaler que les femmes de l'Église Évangélique Vaudoise du Rio de la Plata n'ont pas pris part à ce séminaire à cause de la barrière de la langue.
Un même enjeu, des manifestations diverses
Si l'enjeu de la place de la femme concerne de nombreuses Églises de la Cevaa, ses manifestations peuvent aussi être très différentes. Les «facilitateurs» (les encadrants) des diverses sessions de formation ont eu à plusieurs reprises l'occasion de l'expérimenter, comme le souligne le pasteur Samuel Désiré Johnson, responsable du pôle Animations de la Cevaa. «Les textes bibliques sur lesquels nous travaillons sont les mêmes d'une région à une autre, mais ils peuvent générer des réactions très différentes, souligne-t-il. Je pense par exemple à un exercice qui consiste, pour les participantes, à choisir trois personnages bibliques féminins avec lesquels elles pourraient bien s'identifier, et trois autres avec lesquels, au contraire, elles ne le pourraient pas. Avant les sessions de formation au Rwanda, nous avions constaté que le personnage de Ruth était régulièrement vu comme un personnage positif, avec lequel les participantes s'identifiaient facilement : un personnage porteur d'une image de fidélité... Mais à Kigali, au contraire, Ruth a été vue comme une jeune femme dépendant de sa belle-mère, alors qu'elle devrait refaire sa vie... Si on ne connaît pas le contexte rwandais, il est difficile de comprendre cette différence de perception. Après le génocide de 1994, de nombreuses jeunes Rwandaises se sont retrouvées veuves, avec l'obligation de se débrouiller toutes seules pour s'occuper de leurs enfants. D'où cette réaction, pour les participantes du séminaire de Kigali, attachée à l'autonomie et à la capacité à se prendre en charge. On a vécu là une contextualisation très intéressante.»
Tout au long des séminaires AEBA, les techniques d'étude biblique mises en œuvre impliquent une participation active et des exercices sous plusieurs formes – comme par exemple les travaux «en aquarium», au cours desquels un groupe de femmes débat d'un thème précis sous le regard attentif d'une assistance silencieuse ; puis, l'assistance peut intervenir à son tour pour commenter les travaux qui se sont déroulés devant elle. Durant les deux semaines de la session unique organisée à Papeete, les participantes, après une introduction à la méthode AEBA, ont alterné ainsi parties théoriques et pratiques, entre théorie de l'animation de groupe, présentation du développement holistique, prévention et gestion des conflits, exercices d'animation et travaux de groupe. Et lors du culte de clôture, le dimanche 23 juin, les attestations ont été remises aux participantes par le Président de l'Église qui accueillait ce séminaire, à savoir l'EPMa.
Désormais, pratiquement toutes les régions de la Cevaa ont eu leur séminaire AEBA. Avec, à chaque fois, un accent mis sur trois objectifs : former des formatrices, pour assurer la pérennité du projet qui sera poursuivi au sein de chaque Église de manière autonome ; leur donner la capacité de produire du matériel (comme des fiches d'animation) ; initier ou stimuler un travail en réseau et des collaborations entre femmes d'une même Église. Faire évoluer les consciences est un travail de longue haleine.
Quelques-unes des participantes du séminaire AEBA au Rwanda © Cevaa