Un pasteur français pour Bangui
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Bernard Croissant (à droite) aux côtés du Secrétaire Général du défap, Bertrand vergniol (à gauche) avant son départ pour Bangui © Défap |
Il ne fait pas mystère de son « tropisme pour l’Afrique », qu’il a pourtant été amené à connaître dans des circonstances difficiles en tant qu’aumônier militaire : Bernard Croissant, pasteur de l’EPUdF, aujourd’hui retraité dans la paroisse de Dieulefit (Drôme), a notamment vécu plusieurs mois en Côte d’Ivoire dans le cadre de deux opérations extérieures (OPEX), une en 2003 et l’autre en 2006. Aussi, lorsqu’il a reçu un coup de fil du Secrétaire Général du Défap, Bertrand Vergniol, il n’a guère hésité. Destination : Bangui, où la Cevaa a ouvert un poste d’accompagnement pastoral de l’Église protestante Christ-Roi de Centrafrique (EPCRC, membre de la Cevaa). Avec l’objectif de libérer la parole de celles et ceux qui ont subi, et subissent encore des violences inimaginables, et d’apporter un soutien à la fois spirituel et psychologique. Bernard Croissant a en particulier pour mission de mettre en place une cellule d’écoute pour les personnes traumatisées par la guerre civile en République centrafricaine, et de fournir un soutien pastoral à l’équipe de l’EPCRC, notamment dans la formation des conseillers presbytéraux et dans l’animation de la vie paroissiale.
L’idée de cette mission pastorale est née à la suite d’une visite de solidarité à Bangui, organisée en avril 2014 de manière conjointe par la Cevaa - Communauté d’Églises en mission, le Défap - Service protestant de mission, et la CETA (Conférence des Églises de Toute l’Afrique). Un dossier complet avait été consacré à cette visite sur le site de la Cevaa. Les membres de la délégation avaient pu alors constater l’ampleur des besoins sur les plans à la fois spirituel et psychologique, dans une situation de violence permanente et multiforme, trop facilement assimilée depuis l’étranger à un affrontement entre chrétiens et musulmans. Depuis lors, le Défap et la Cevaa se sont engagés dans un travail de fond avec les responsables d’Églises. Une tentative à la fois d’explication des mécanismes profonds ayant abouti à la violence, et de libération de la parole des Centrafricains sur cette même violence, qui trouve aussi des échos dans la visite récemment organisée à Bangui par l’Observatoire Pharos avec le soutien du Défap.
Apporter « une présence et une écoute attentive »
Des enfants à l’Église évangélique luthérienne de RCA : l’école n’accueille plus de cours, mais des déplacés © Claire Bernole pour Défap |
La mission à Bangui sera de courte durée. Les premiers jours, cruciaux, seront notamment consacrés au diagnostic. « Je vais tout d’abord observer », indiquait Bernard Croissant à quelques heures de son départ pour la Centrafrique, en évoquant la nécessité, dans sa tâche de soutien pastoral, d’apporter « une présence et une écoute attentive, suivie d’effets et de prises de décision ». Il devra tout d’abord participer à la vie de l’EPCRC à travers les cultes, les études bibliques et l’école du dimanche. Mais il devra aussi comprendre la situation sur place pour savoir comment accompagner cette Église membre de la Cevaa à moyen terme. Parmi les décisions à prendre, certaines concernent les formations, d’autres l’organisation du travail pastoral, ou encore le redémarrage du Centre protestant pour la Jeunesse, plusieurs fois pillé et qui ne pourra être utilisé sans des travaux importants...
Les premiers informés de ce départ de Bernard Croissant pour Bangui ont été les paroissiens de Dieulefit, lors d’un culte une semaine avant son départ, qu’il a raconté dans cette lettre : « Je me suis rendu au temple ce dimanche 23 novembre à Dieulefit pour le culte dominical (dédié au Christ-Roi) ; au moment des annonces, un des paroissiens a demandé la parole pour annoncer mon prochain départ pour Bangui ; je suis donc passé de ma chaise au pupitre pour expliquer que j’avais accepté une mission confiée par le Défap au bénéfice de l’Église protestante du Christ-Roi afin d’y apporter une présence pastorale rassurante et formatrice. Dans un contexte de fin de guerre civile, l’Église peut contribuer à un mieux-être des personnes traumatisées par la mise en place d’une cellule d’écoute qui aura besoin de formation théologique et spirituelle ; par une prédication porteuse d’espérance et l’accueil de jeunes au Centre protestant de jeunesse. J’aurai une fonction de conseil, de formateur et d’accompagnateur des pasteurs et du conseil. Après ce bref exposé l’assemblée s’est associée à une prière d’envoi et de bénédiction pour la réussite et le soutien de cette mission. »
La nécessité d’une double catharsis
Culte d’envoi le 23 novembre à Dieulefit © Bernard Croissant pour Défap |
Dans une situation où la religion a été trop longtemps instrumentalisée, où les violences issues de longues années de tensions entre groupes sociaux, ethniques et politiques ont été trop facilement assimilées à des affrontements interconfessionnels, la Centrafrique ne peut se reconstruire sans cette double catharsis : une libération de la parole sur les violences, et le rétablissement d’un dialogue interconfessionnel.
C’est ce à quoi travaillent le Défap et la Cevaa, au-delà de cette mission pastorale à Bangui.
Franck Lefebvre-Billiez