Centrafrique : « Musulmans, catholiques et protestants peuvent vivre en harmonie »
Monseigneur Nzapalainga, archevêque de Bangui, et l’imam Kobine. © Claire Bernole pour Cevaa
Ce dossier est constitué en partenariat avec la revue "Signes des Temps".
Monseigneur Nzapalainga, archevêque de Bangui, et l’imam Kobine. © Claire Bernole pour Cevaa |
C’est dans un cadre verdoyant, baigné par le fleuve Oubangui et scintillant de lucioles à la tombée du jour que sont rencontrés Monseigneur Nzapalainga, archevêque de Bangui, l’imam Kobine et les membres de la délégation Cevaa-Défap-Ceta en déplacement dans la capitale centrafricaine. Rien qui puisse illustrer ou laisser présager les tensions qui animent le pays et qui sont souvent ramenées – dans une tentation simpliste – à des querelles interconfessionnelles.
« Nous ne pouvions pas rendre une visite de solidarité à nos Églises sœurs sans échanger avec l’ensemble des croyants de ce pays », a introduit Jean-Arnold de Clermont, président du Défap, avant de questionner les deux leaders de la plateforme interreligieuse (1) sur le présent et l’avenir de la République centrafricaine. « Il faut faire avec la situation actuelle, qui est que le pays est trop faible pour se prendre en main. C’est le chaos, l’injustice, l’insécurité. La pauvreté et le manque d’éducation facilitent la manipulation des masses et l’instrumentalisation de la religion », a décrit l’archevêque. Et d’ajouter : « C’est pourtant dans ce contexte que nous devons prêcher la parole de Dieu. Nous restons convaincus que musulmans, catholiques et protestants peuvent vivre en harmonie. Aussi, pour aujourd’hui et en vue de demain, nous essayons de réunir. »
« Ce n’est pas une banale visite de courtoisie »
Monseigneur Nzapalainga n’a pas hésité à insister sur le fait que jamais auparavant le pays n’avait connu de situation de ce genre. Or, sa cohabitation avec l’imam Kobine, qui vit à l’archevêché depuis environ une année, montre bien qu’un « vivre ensemble » est possible. « Si nous y parvenons, pourquoi les autres s’entretueraient ? », interroge l’homme d’Église.
L’imam Kobine a également pris la parole en ce sens, rappelant qu’ils ont commencé leur travail à travers la plateforme depuis avril 2013. « En tant que leader de la communauté musulmane, je ne pouvais rester sans voix face aux pillages, aux meurtres, aux viols… Cela ne fait pas partie de notre religion », a-t-il souligné. Sur le même ton, toujours très posé, il a affirmé que « Dieu a accepté leurs efforts et apaisé les peurs entre chrétiens et musulmans », qui pour certains continuent à se côtoyer. Et de certifier qu’il ne s’agit en aucun cas d’une islamisation du pays.
Chacune des parties en présence a manifesté la volonté de poursuivre ce travail commun, concrétisé à travers la plateforme des leaders religieux. « Nous demandons votre accompagnement par la prière, car c’est ce que les frères et cœurs se doivent de s’offrir. Cela est bien plus important que de l’argent ou des troupes supplémentaires », a renchéri l’imam Kobine, avant de terminer par une parole forte – comme un engagement pris à l’égard de tous ceux qui compte sur eux : « Nous voulons rester debout, avec le soutien de nos communautés. »
Un regard lucide et à la fois plein d’espérance. Pour avancer vers une résolution des conflits, il faudra du temps et une action inscrite dans une perspective à moyen voire long terme. « Ce n’est pas une banale visite de courtoisie. Sachez que notre volonté est de vous soutenir dans la durée. Relancez-nous sans cesse », a conclu Jean-Arnold de Clermont, en forme d’invitation.
Claire Bernole,
pour le Défap et la Cevaa, en collaboration avec Signes des Temps