Centrafrique : des nouvelles de l'aide aux déplacés — Communauté d'Églises en mission

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Centrafrique : des nouvelles de l'aide aux déplacés

En dépit des difficultés logistiques et de sécurité, des organisations humanitaires s'efforcent de venir en aide à la population centrafricaine ; parmi elles, des organisations confessionnelles comme celles qui opèrent dans le réseau ACT Alliance, collectif constitué par des Eglises membres du Conseil œcuménique des Églises et de la Fédération luthérienne mondiale.
Déplacés accueillis à l'Église évangélique luthérienne de RCA © Claire Bernole pour Défap

Partie prenante du collectif ACT Alliance (1), la Fédération luthérienne mondiale intervient en Centrafrique par des distributions de nourriture et de biens essentiels, ainsi que dans les domaines de l'hébergement, de la santé, de l'eau, des systèmes d'assainissement et du soutien psychosocial aux personnes les plus fragiles, souvent victimes de violences. Le reportage qui suit est une traduction d'un article précédemment diffusé sur le site de la Fédération luthérienne mondiale.

 

« Dimanche soir à l'église luthérienne Saint-Timothée, à Bangui : la porte principale de l'enceinte aux murs de pierre est verrouillée. Dans ce lieu pauvrement éclairé, des enfants courent et jouent ; de petits groupes de jeunes se sont réunis sous deux grandes bâches largement dépeuplées ; une femme attise un feu, préparant en plein air le repas familial ; des mères se tiennent avec leurs enfants debout près de la porte de l'église.

A l'entrée du presbytère, le pasteur de la paroisse, le révérend Paul Denou, est en grande conversation avec plusieurs personnes assises sous un auvent de chaume : ils discutent des différences entre personnes déplacées et réfugiés. « Et est-ce important à la fin, si vous êtes ici ou à l'extérieur du pays ? Le fait est que vous avez été chassé de votre maison », déclare l'un d'eux, Jean Georges Haman, pour conclure les débats.

« Au plus fort de la crise, cet endroit était surpeuplé »

Jean Georges Haman, 65 ans, commissaire de police à la retraite, vit avec six membres de sa famille à la paroisse de Bangui de l'Église évangélique luthérienne de République centrafricaine (EEL-RCA) depuis décembre 2013, après l'attaque de leur maison par des groupes armés, dans le quartier Fondo . « Nous avons fui avec pratiquement rien, si ce n'est les vêtements que nous avions sur le dos », se souvient-il. En tout, 17 membres de sa famille ont été déplacées à la suite de l'attaque. Aucun d'eux n'a été en mesure de rentrer chez lui : dans ce quartier de Bangui, de nombreuses maisons ont été pillées et détruites. Des groupes de miliciens armés, alliés aux rebelles de la Séléka ou affrontant les groupes anti-balakas, continuent à y faire régner la violence, perpétrant enlèvements, tortures et meurtres.

Jean Georges Haman fait partie des quelque 120 personnes déplacées vivant actuellement à l'église luthérienne Saint-Timothée, à environ 500 mètres de l'aéroport international de M'Poko. À Bangui , plus de 142 000 personnes déplacées ont ainsi cherché refuge dans des églises, des mosquées, des champs ouverts à proximité de l'aéroport et d'autres sites, ainsi que dans des familles d'accueil.

Pour aller plus loin :

- ACTUALITÉS ET FICHE PAYS :
Le point sur la République centrafricaine

- Visite de solidarité à Bangui : le dossier de la Cevaa

- L'article original (en anglais) sur le site de la Fédération luthérienne mondiale

- Aide à la population de RCA : le programme de la Fédération luthérienne mondiale

- Le site du collectif ACT Alliance

« Au plus fort de la crise, en décembre, cet endroit était surpeuplé », relate le pasteur Paul Denou, en désignant des tentes maintenant en grande partie vides mais qui ont pu, selon lui, abriter jusqu'à 1800 personnes, venues de tous les quartiers de la capitale. Lieu de refuge, l'église n'en a pas pour autant été épargnée par les attaques armées. Le pasteur désigne un impact de balle près de la fenêtre de sa chambre : il date du 23 février, lorsqu'un groupe armé a escaladé le mur d'enceinte. « Ils ont fouillé la maison, ont pris de l'argent, la télévision, la moto de l'église, une bicyclette d'enfant... tout ce qu'ils pouvaient porter. Mais heureusement , personne n'a été tué. »

Beaucoup de ceux qui ont choisi de rester ici s'entraident, pour tenter de recréer un environnement vivable tout en s'efforçant de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Mais le soutien des organisations non-gouvernementales, tant locales qu'internationales, est en diminution. De plus en plus de déplacés deviennent des réfugiés, et vont grossir le flot de ceux qui ont fui dans les pays voisins. Le pasteur Denou s'interroge : « Que peut-on faire sans cette solidarité ? Nous recevons trop peu d'aide, actuellement. » « Comme il n'y a pas de sécurité, ni aucune autre forme d'assistance, ajoute le pasteur, nous nous sommes organisés en équipes qui s'occupent de tous les besoins de la paroisse. » Bénévole au sein de ce groupe, où elle est chargée des questions d'hygiène et d'assainissement, Angèle Vanguéré explique ainsi son travail. « En tant que responsable des femmes déplacées, je m'assure que le peu d'eau disponible est correctement réparti, que les latrines sont propres, je fais en sorte que les malades soient soignés à l'hôpital, et je m'occupe des autres en maintenant les lieux propres. »

Comment se nourrir et se soigner ?

A l'intérieur de l'église, femmes, hommes, enfants et jeunes sont assis seuls ou en groupes sur des bancs, des cartons, des nattes ou quelques matelas. Certains sont groupés sous des moustiquaires, d'autres isolés dans leur coin. Derrière un pilier, Armelle Kagale étale une natte tout en poussant de côté une grande bassine remplie de petits sacs en polyéthylène bleu. Ils contiennent chacun un demi-kilo de blocs de charbon de bois. Elle les achète en vrac et les revend à l'unité pour environ 750 francs CFA (1,50 dollar). On lui a récemment diagnostiqué une tuberculose ; mais comme elle parvient à peine à se nourrir avec ce qu'elle gagne, elle ne sait pas comment elle pourrait acheter des médicaments.

Des enfants à l'Église évangélique luthérienne de RCA : l'école n'accueille plus de cours, mais des déplacés © Claire Bernole pour Défap

Près de l'autel de l'église, Ruth Nambeyam s'occupe de son fils de cinq ans, Michel Biro ; la sœur du petit garçon, Esther Yvele, reste silencieuse, debout à côté de lui, risquant de temps à autre un geste pour le toucher. L'enfant a été hospitalisé il y a peu pour cause de malnutrition. Angèle Vanguéré se veut rassurante envers sa mère : l'équipe de l'église va l'aider à obtenir le traitement prescrit. Mais ce ne sera pas facile : plusieurs des organisations non gouvernementales qui fournissaient des soins gratuits dans la ville ont dû fermer leurs portes à cause ds problèmes de sécurité. Assise sur un autre banc de l'église avec des sacs contenant ses maigres biens, Naomie Komessé a recréé tout un décor autour d'elle : vêtements suspendus, pantoufles jonchant le sol, ustensiles de cuisine, bouteilles d'eau dans un seau en plastique, moustiquaires... Elle ne parle pas beaucoup. Elle s'exprime par des hochements de tête. Pour l'instant, ici, elle est en sécurité.

« Qui aurait pu penser qu'on en arriverait là ? »

A l'entrée du presbytère, le pasteur Denou et l'équipe chargée de la sécurité discutent de l'instabilité croissante, de la peur et de l'incertitude grandissantes que connaît la population, depuis que les tensions politiques, en décembre 2012, ont conduit à des attaques généralisées menées par des groupes liés aux rebelles de la Séléka, provoquant des représailles de la part des groupes anti-balakas. Et Paul Denou s'interroge : « Qui aurait pu penser qu'on en arriverait là ? Nous avons toujours vécu en paix, côte à côte, que nous soyons musulmans, chrétiens ou d'autres religions. »

Au siège de l'église luthérienne à Bouar, à quelque 400 kilomètres au nord-ouest de la capitale, le vice-président de l'EEL-RCA, Mgr Jean Gbani, souligne l'impérieuse nécessité d'une aide pour la population, et l'urgence d'un dialogue en vue de sortir de l'impasse actuelle. « Tout le monde est affecté par cette crise. Nous avons perdu énormément et les gens vivent dans la peur de nouvelles attaques » , souligne-t-il lors d'une réunion avec le personnel de la Fédération luthérienne mondiale (FLM ) de l'équipe d'urgence en RCA.

Mgr Jean Gbani explique que l'église, les dirigeants de la communauté musulmane et les autres communautés chrétiennes luthérienne ont formé une plate-forme de paix interconfessionnelle qui vise à encourager les communautés à travailler ensemble pour mettre fin à la violence et rétablir la paix dans le pays.

« Les communautés religieuses jouent un rôle important »

Déplacés accueillis à l'Église évangélique luthérienne de RCA © Claire Bernole pour Défap

« Les communautés religieuses jouent un rôle important dans le rétablissement de la paix en République centrafricaine, analyse pour sa part Serena Badenhorst, chef de l'équipe d'urgence de la FLM en RCA. Nous allons continuer à nous appuyer sur la collaboration établie avec l'Église luthérienne afin de répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables touchées par cette crise, indépendamment de leur appartenance religieuse. »

Avec le soutien de la FLM et de ses partenaires du réseau ACT Alliance, l'EEL-RCA a pu fournir une aide alimentaire à des milliers de personnes déplacées dans le secteur de la préfecture de Ouham Pendé et à Nana Mambéré, en plus de la paroisse de Bangui. Cette assistance aux populations déplacées dans les préfectures du nord-ouest, fournie dans le cadre du programme d'urgence de la FLM, comprenait également du matériel destiné à restaurer la sécurité alimentaire et l'accès à l'eau, ainsi que l'assainissement et l'hygiène.

Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), en date du 15 mai, on évaluait à plus de 560 000 le nombre de personnes déplacées au sein de la RCA, et à près de 350.000 le nombre de réfugiés dans les pays voisins. On estime que 2,5 millions de personnes (soit 54 pour cent de la population) ont besoin d'une assistance humanitaire. »

1) ACT Alliance est un collectif de plus de 130 ONG qui travaillent ensemble dans les domaines de l’assistance humanitaire, du plaidoyer et du développement à travers plus de 140 pays. Son secrétariat général est situé à Genève au siège du Conseil Œcuménique des Églises. Selon son "Document de fondation" (à télécharger ici), « ACT (Action by Churches Together / Action commune des Eglises) est une alliance mondiale constituée par des Églises membres du Conseil œcuménique des Eglises (COE) et de la Fédération luthérienne mondiale (FLM) et des organisations qui leur sont rattachées, qui s'engagent à collaborer dans un esprit œcuménique. »

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