Comment la jeunesse protestante envisage-t-elle l’avenir de la Centrafrique ?
Rencontre au Centre protestant pour la jeunesse de Bangui. Moment de louange © Claire Bernole pour Cevaa
Ce dossier est constitué en partenariat avec la revue "Signes des Temps".
Rencontre au Centre protestant pour la jeunesse de Bangui. Moment de louange © Claire Bernole pour Cevaa |
Ce samedi 5 avril a été marqué en République centrafricaine par le retrait des troupes tchadiennes de la Misca. Pendant que celles-ci prenaient la route du Nord, quelque 70 jeunes se sont réunis au Centre protestant pour la jeunesse (CPJ). Répondant à l’appel de la délégation Défap-Ceta-Cevaa, en visite dans le pays, et en présence de responsables protestants de la jeunesse, ils sont venus réfléchir, discuter entre eux et échanger avec les autres sur l’avenir de leur territoire – leur avenir.
Jean-Arnold de Clermont, actuel président du Défap, a créé ce centre culturel lorsqu’il était en poste à Bangui. Un centre dont la vocation était et reste de permettre à la jeunesse banguissoise de se réunir. Cet après-midi-là, il a pleinement joué son rôle. « Nous sommes venus pour vous écouter et vous soutenir, mais pas en imposant nos décisions. C’est vous qui avez les clés de votre avenir », a expliqué le président de la Cevaa, Thierry Muhlbach. Son secrétaire général, Célestin Kiki, a ensuite insisté sur l’importance que leur organisation donne aux jeunes et a rappelé leur devise au sein de la Cevaa : « Demain d’accord, mais aujourd’hui d’abord ». Car il s’agit autant de retrouver une vie normale dès que possible que de proposer des projets à long terme.
Les effets du mauvais pilotage du pays
L’un des groupe de réflexion formés par les jeunes répondant à l’invitation de la délégation Défap-Cevaa-Ceta au Centre protestant pour la jeunesse © Claire Bernole pour Cevaa |
Patrick Nambéanré, consultant sur les questions ayant trait à la jeunesse et au développement communautaire, a engagé les participants à prendre la parole dans les termes suivants : « Soyez décomplexés. Nous avons tous souffert, ici ! » Pour faciliter l’expression et la réflexion, trois groupes ont été formés afin de débattre autour de deux questions posées par les organisateurs : quelle analyse faites-vous de la situation actuelle ? Quelle est votre vision pour l’avenir ?
En lieu et place des 20 minutes prévues pour ces échanges, les jeunes en ont pris 50. Et les discussions se seraient poursuivies si les rapporteurs n’avaient pas été invités à présenter à l’assemblée une synthèse des échanges qui avaient eu lieu dans leur groupe. Les trois porte-parole ont donc partagé leurs constats et leurs pistes pour des solutions durables. Tous ont unanimement évoqué, entre autres points, le mauvais pilotage du pays depuis des décennies et l’absence de leader compétent à la tête de la République ; le népotisme ; la négligence du politique envers une jeunesse en déshérence – ce qui la rend manipulable – et l’intérêt personnel qui guide encore trop souvent les décisions d’État.
Loin du ton des reproches à leurs dirigeants, les jeunes ont plutôt exprimé une prise de conscience forte. Étonnamment, aucun groupe n’a rendu responsables de la crise chrétiens ou musulmans, ni n’a prononcé les mots « Séléka » ou « anti- balaka ». La religion n’est pas – aux yeux de ceux qui étaient présents – un obstacle au vivre ensemble. Ce dont se sont réjouis les membres de la délégation ainsi que les responsables d’Église présents.
Justice, pardon et réconciliation
L’un des groupe de réflexion formés par les jeunes répondant à l’invitation de la délégation Défap-Cevaa-Ceta au Centre protestant pour la jeunesse © Claire Bernole pour Cevaa |
Des solutions ont-elles été évoquées ? Oui, en grand nombre. D’ailleurs, plusieurs d’entre elles pourraient contribuer à constituer un véritable programme politique. Le soutien à la micro-finance et à la micro-entreprise a été présenté comme une réponse possible au chômage et, surtout, une alternative à la fonction publique qui, jusqu’à aujourd’hui, centralise toutes les ambitions. La réintroduction des cours de civisme, la sensibilisation aux enjeux politiques, la gratuité des soins et l’éducation – à ce sujet, les trois groupes ont d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme – font également partie des priorités qui ont été citées.
Au-delà des idées d’ordre purement politique et économique, les notions de justice, de pardon et de réconciliation n’ont pas manqué d’être soulignées. L’un des rapporteurs parlant même d’un « désarmement du cœur » pour que les efforts qui seront mis en œuvre en vue de la (re)construction de Bangui et de la République centrafricaine ne soient pas vains.
La délégation et les responsables jeunesse au sein des Églises qui avaient assisté aux échanges ont souhaité réagir aux nombreuses propositions listées par les trois groupes de réflexion. « Vous avez dit avec vos mots les maux dont souffre la République centrafricaine », a conclu Célestin Kiki. Et les membres de la délégation d’encourager les jeunes qui étaient devant eux à se prendre en main sans attendre de feu vert de l’administration, à croire en leurs capacités et surtout, à développer le dialogue sur l’avenir du pays en l’enrichissant de la participation de la jeunesse musulmane.
Claire Bernole,
pour le Défap et la Cevaa, en collaboration avec Signes des Temps