Centrafrique : visite de solidarité à Bangui
Femmes peuls victimes d'exactions (Twitter/Peter Bouckaert/HRW)
Femmes peuls victimes d'exactions (Twitter/Peter Bouckaert/HRW) |
Les violences qui, au cours du week-end écoulé, ont encore endeuillé Bangui (lire cet article sur le site du Monde) témoignent une nouvelle fois de l'extrême degré de tension dans la capitale centrafricaine – et au-delà, dans le pays tout entier. Elles auraient fait, selon les sources, entre une dizaine et plus d'une vingtaine de morts. Des victimes civiles, touchées par des tirs de soldats tchadiens de la Misca (Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique sous conduite Africaine), qui accompagnaient un convoi de civils tchadiens fuyant les violences. Cette fusillade s'est produite à Bégoua, en périphérie de la capitale, et dans les quartiers Gobongo et Galabadja, sans que l'on sache précisément d'où sont venus les premiers tirs.
Ce simple fait témoigne aussi de la grande volatilité et de la complexité d'une situation trop souvent présentée comme un « conflit interreligieux ». En ignorant les jeux politiques, le contexte ethnique, et les trop longues années de déliquescence de l'Etat qui ont conduit à la situation chaotique dont pâtit aujourd'hui toute la population centrafricaine. La présence même de troupes chargées de ramener le calme paraît aujourd'hui très insuffisante. Sur le plan numérique : le contingent français de la force Sangaris, présent en RCA en appui de la Misca, manque encore cruellement d'un soutien européen, même renforcé par une partie du groupement terre de la force Épervier. Sur le plan de la composition de cette force : les marques de défiance de la population envers certains contingents de la Misca se multiplient, et les morts du week-end écoulé ne sont qu'une preuve supplémentaire de cette insécurité persistante en dépit de la présence de troupes étrangères.
Faire entendre que les violences ne sont pas d'origine religieuse
Face à ces violences dont souffre aujourd'hui toute la population centrafricaine, victime de groupes armés qui brandissent leur religion comme un drapeau alors même qu'ils ne sont reconnus par aucune autorité religieuse ; face à une situation humanitaire catastrophique, que ce soit à Bangui, dans les camps de déplacés, ou dans le reste du pays, confronté à la menace d'une grave crise alimentaire (lire : Des socs, pas des fusils, Centrafrique : des appels de paix dans la tourmente, Violences et crise humanitaire, les défis de la nouvelle présidente centrafricaine), une délégation chrétienne se rend cette semaine dans la capitale centrafricaine. Elle comprend des représentants du Défap - Service protestant de mission, de la Cevaa - Communauté d'Églises en mission, et de la CETA (Conférence des Églises de toute l'Afrique). Participent à ce voyage :
- Thierry Muhlbach, Président de la Cevaa
- Célestin Kiki, Secrétaire Général de la Cevaa
- Jean-Arnold de Clermont, Président du Défap
- Simon Kossi Dossou, envoyé spécial de la CETA auprès des Églises francophones d'Afrique de l'Ouest et centrale.
Cette visite est organisée par la Cevaa et le Défap, très attentifs à la situation en République centrafricaine. Elle a été précédée par une première rencontre qui a eu lieu le dimanche 20 mars au siège du Service protestant de mission, à Paris, et qui constituait une première, puisqu'elle a permis de réunir le révérend Guerékoyamé, président de l'Alliance évangélique centrafricaine, la Fédération protestante de France et le Défap (lire : France - Centrafrique : rencontre entre protestants). Elle sera suivie peu de temps après par une autre visite du responsable de l'aumônerie aux Armées de la FPF, le pasteur Stéphane Rémy.
Se tenir résolument aux côtés de ceux qui, en RCA, récusent la haine
La présence de cette délégation à Bangui a notamment pour but de faire entendre que les violences que connaît la Centrafrique ne sont pas religieuses à l'origine, et d'apporter un soutien à toutes les voix qui, en RCA, s'efforcent de porter une parole d'apaisement et de réconciliation. Les membres de la délégation veulent se tenir résolument aux côtés de ceux qui en RCA récusent toute haine interethnique ou interreligieuse, se portent au secours de celles et ceux qui sont menacés, et contribuent à faire de la Centrafrique une terre de justice et de paix.
Le programme de cette visite, encore provisoire, prévoit notamment les rencontres suivantes :
- rencontre avec Madame la Présidente de la République Catherine Samba-Panza ;
- rencontre avec la plateforme des leaders religieux catholique, protestant et musulman, représentée par le révérend Nicolas Guerekoyame-Gbangou, président de l’Alliance Evangélique centrafricaine, Mgr Dieudonné Nzapalainga, Archevêque de Bangui et chef de l'Église catholique, et l'imam Omar Kobine Layama, président de la conférence islamique ;
- rencontre avec le Réseau des Femmes Croyantes (chrétiennes et musulmanes) ;
- rencontre avec l’EPCRC (Église Protestante du Christ-Roi en Centrafrique).
Les membres de la délégation viennent à Bangui comme une « lettre vivante de fraternité » de la part des Églises de toute l’Afrique, des Églises d’Europe du Pacifique, d’Afrique et d’Amérique latine réunies en Communauté d’Églises en Mission, des Églises protestantes de de France réunies dans le Défap. Dans ce contexte, une telle visite permettra de manifester la solidarité, non seulement envers les Églises avec lesquelles Cevaa et Défap sont en partenariat parfois depuis des décennies, l’Église Protestante du Christ-Roi et l’Église Evangélique Luthérienne en RCA, mais au-delà, envers l’ensemble des Églises protestantes de RCA, ainsi qu'envers l’Église Catholique en RCA, et envers tous les musulmans de Centrafrique qui se reconnaissent dans l’action pacifique de l’imam Kobine Layama.