Centrafrique : « Si nous en sommes là, c’est parce que nos aînés ont échoué »
Des enfants à l'Église évangélique luthérienne de RCA : l'école n'accueille plus de cours, mais des déplacés © Claire Bernole pour Défap
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Ce dossier est constitué en partenariat avec la revue "Signes des Temps".
Des enfants à l'Église évangélique luthérienne de RCA : l'école n'accueille plus de cours, mais des déplacés © Claire Bernole pour Défap |
Ndeke Luka : « oiseau de la chance », autrement dit « colombe », en sango. Tel est le nom de la radio qui a accueilli hier matin la délégation protestante venue de France en Centrafrique pour manifester soutien et solidarité aux chrétiens comme à tous les « hommes de bonne volonté », selon les termes évangéliques. Au programme : enregistrement de plusieurs séquences destinées à être diffusées par cette radio connue pour son attachement à la laïcité. Une valeur bien présente dans les propos qui ont été tenus par les pasteurs Célestin Kiki, Jean-Arnold de Clermont et, en sango, par Bertin Oundagnon. En effet, les notions de paix et de réconciliation impliquent une justice et une vérité dont toutes les populations – chrétiens, musulmans, adeptes des religions traditionnelles ou non croyants – devront être parties prenantes.
Plusieurs rencontres ont marqué la suite de la journée, dont une auprès de l’Église dominicaine. Par ailleurs, en visite à l’Église évangélique luthérienne de RCA, la délégation a rencontré le pasteur Paul Denou. La vocation évangélique de cette paroisse protestante s’est confirmée par ces temps de crise puisqu’elle accueille non seulement autour mais aussi dans son bâtiment plus d’une centaine de personnes déplacées (un chiffre qui est monté jusqu’à un millier lors des événements de décembre 2013). Les locaux de l’école privée qui se trouve sur le même site servent à loger plusieurs familles. « Même si des enfants venaient en classe, il n’y aurait personne pour leur enseigner quoi que ce soit », explique le pasteur Paul Denou. Propos qui souligne la peur qui règne encore parmi les habitants.
« Nommer les causes de la violence pour s’attaquer aux racines qui la produisent »
La situation est sensiblement la même à la Fédération des Églises adventistes en RCA, dont le pasteur Jean-Jacques Guéret est responsable. « Ce n’est pas la volonté de Dieu que des hommes et des femmes souffrent », a affirmé Jean-Arnold de Clermont. Et d’ajouter : « Nous voulons aider ceux qui cherchent des solutions de justice et de paix ». Pour cela, économie ne pourra être faite de « nommer les causes de la violence pour s’attaquer aux racines qui la produisent », comme l’a si justement rappelé Thierry Muhlbach.
Les alentours des bâtiments de la mission accueillent actuellement 537 personnes déplacées. « Comme les tentes ne suffisent pas, les gens dorment à l’air libre », explique le pasteur Jean-Jacques Guéret. Dans ce contexte de crise, deux projets sont prioritaires. Premièrement, prendre en charge les orphelins et trouver une solution pour les scolariser dans le complexe éducatif privé de la mission. Deuxièmement, éduquer à la non violence en milieu scolaire. « Car si nous en sommes là, c’est parce que nos aînés ont échoué », affirme Jean-Jacques Guéret.
Le pasteur Zacharie Nzanga a en outre fait état de la dispersion de nombreux membres d’Église, parfois cachés en brousse, et donc difficiles à rassembler. Ce fut notamment le cas d’un pasteur de la communauté adventiste et de sa famille pendant trois mois. La question des personnes âgées, très peu évoquée en RCA – qui compte une population majoritairement jeune – a également été soulevée. Des projets pour répondre à toutes ces questions, il y en a. Des moyens, un peu moins…
Cette problématique est également celle du Réseau des femmes croyantes et médiatrices de la paix, qui œuvrent pourtant sans relâche depuis bientôt une vingtaine d’années. Rencontrées en fin de journée par la délégation, elles ont réaffirmé – qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes – leur volonté de travailler ensemble pour une paix durable en République centrafricaine. Un rôle essentiel car avec les jeunes, les femmes incarnent les principales forces vives de la nation.
Claire Bernole,
pour le Défap et la Cevaa, en collaboration avec Signes des Temps