Albert Huber, un regard missionnaire
La Caravane des femmes à Neufchâtel en 2008, une initiative de la Cevaa © Albert Huber |
Albert Huber n'est pas seulement un photographe reconnu au service de la presse et des éditions religieuses (Réforme, Ensemble, Oberlin, Olivetan…) ; il est également un observateur engagé de la vie du protestantisme au niveau international. Depuis plus de cinquante ans, à travers à la fois ses textes et ses clichés, dans ses ouvrages, ses articles, il en dresse un portrait riche et sensible, que ce soit pour suivre un grand événement organisé dans son Alsace natale comme Protestants en Fête ou pour faire le portrait d'un pasteur syrien poursuivant son ministère à Alep malgré les bombes et les persécutions... Il ainsi travaillé régulièrement avec l'ACO (Action chrétienne en Orient, organisme missionnaire fondé dans les Églises protestantes historiques d’Alsace-Moselle), pour laquelle il a notamment suivi sous la forme de nombreux reportages le quotidien des chrétiens de Syrie ; également avec le Défap (Service protestant de mission, le Département missionnaire de trois unions d'Églises protestantes de France : L'Epudf, l'UEPAL et l'Unepref). Il est aussi un compagnon de route de longue date de la Cevaa, pour laquelle il a assuré le rôle de journaliste et photographe.
Son dernier ouvrage, «500 ans de la Réforme - Les nouveaux visages du protestantisme», publié aux éditions du Signe, se veut «un album d'images sur la vie des protestants aujourd'hui». Un pari difficile, qu'Albert Huber relève régulièrement à travers ses livres, tant il est vrai que la méfiance native des protestants vis-à-vis des images perdure aujourd'hui. Le protestantisme reste encore profondément lié au texte, que ce soit celui de la Bible ou ceux des théologiens. La commémoration des 500 ans de la Réforme, anniversaire symboliquement relié aux 95 thèses de Luther, n'échappe pas à la règle puisqu'il a produit abondance d'écrits...
«Un Évangile concret, incarné»
Pour aller plus loin :
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A travers ce livre, il s'agit au contraire de «Faire parler des images», comme le rappelle Christian Albecker, président de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine, qui a préfacé l'ouvrage avec François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France (FPF). «Ses magnifiques photographies», souligne Christian Albecker «nous parlent de la prière, de la célébration de Dieu, elles nous invitent à entrer en solidarité avec les exclus et en dialogue avec celles et ceux qui sont différents de nous. Bref elles nous annoncent l'Évangile, un Évangile concret, incarné, sans fard, laissant apparaître nos limites et nos faiblesses, mais reflétant en filigrane, courant à travers tout l'ouvrage, l'infinie bienveillance de Dieu.» François Clavairoly y voit pour sa part «l'occasion de discerner dans ces images la foi d'un Christ multiplié au miroir des spiritualités qui s’exposent ici.»
Car à travers toutes ces photographies prises de l'Alsace à Madagascar, de Pologne en Chine, d'Iran en Polynésie, du Liban en Argentine, d'Inde au Bénin ; à travers les clichés de la Caravane des femmes de la Cevaa ou d'une Assemblée Générale de la Communauté en Suisse, tout comme à travers la visite d'un camp de réfugiés syriens ou, simplement, des mains tenant une bible usée... c'est bien de spiritualité qu'il est question. Les cinq chapitres de l'ouvrage, Parole et Prière, Vivre la solidarité, Dialogues & Rencontres, Église universelle et Histoire & Patrimoine, sont d'ailleurs précédés de courts textes de l'auteur qui constituent autant de déclarations de foi : « (...) Je crois en la force de l’Écriture, coeur de la foi. Je crois à l’actualité de ses psaumes et de ses proverbes de sagesse, de ses mythes et de ses épopées, de ses méditations et de ses protestations, de ses hymnes et de ses paraboles, de ses lettres et de ses apocalypses(...) » « (...) Je crois que l’humanité de Dieu n’est déterminée par aucune oeuvre. Elle est grâce, ce quelque chose en plus qui me rapproche de l’autre différent pour l’écouter, l’accompagner, l’accueillir, en particulier quand il est démuni, rejeté ou exclu(...) »
«Place à la fête et à la joie»
Culte, temple réformé à Menaku sur l’île de Maré en Nouvelle-Calédonie, 2006 © Albert Huber |
On pourrait dire de ces textes et des images qu'ils introduisent qu'ils créent une moderne «Défense et illustration de la Mission», à la fois par l'empathie et la proximité que l'on devine à travers ces clichés, et par l'engagement des écrits : « (...) Je crois en la dynamique de ce qui se nomme Mission qui envoie des témoins d’humanité dépasser les frontières, celles des terres lointaines comme celles du coin de la rue. Je crois que nous sommes appelés à mettre le cap vers d’autres rivages avec, pour tout bagage, le désir de briser les intolérances sur lesquelles on dresse des barbelés jusqu’au ciel étoilé. Je crois en la force d’aimer sans frontières, même si d’autres distillent la haine (...) »
Et une nouvelle fois à travers cet ouvrage, Albert Huber contribue à combler les lacunes des protestants dans le domaine des images, comme le rappelle le théologien Marc Lienhard dans son introduction : «Le présent volume nous donne ainsi une autre image du protestantisme que celle de l’austérité qu’on lui prête si souvent. Il s’oppose à la morosité de certains fidèles et à une concentration excessive sur le travail, il fait place à la fête et à la joie. Il va aussi au-delà d’un spiritualisme protestant de mauvais aloi, réticent à l’égard des images et des rites, en faisant place à ce qu’on peut voir des communautés et des chrétiens protestants. Qu’Albert Huber en soit remercié !»